Reconstruire une Morgan 4/4 tourer de 1973 en triste état

Rebuild of a sad looking 1973 Morgan 4/4 tourer

(suite 2013): Pour bien comprendre ce qu'est une une Morgan il faut respecter quelques petites choses toutes simples. Je vais essayer de vous faire découvrir dans cette page ce qui fait de ce véhicule un objet unique du monde automobile.

Depuis cette première restauration, j'ai eu la joie de rassembler un petit troupeau de six Morgans de toutes les couleurs qui se disputent mon garage avec les autres. Elles sont toutes différentes et pourtant fondamentalement similaires dans leur simplicité.
(suite 2016) Royal Ivory, mon fier et fidèle Tourer est vendu et une Innocenti Cooper a pris l'emplacement disponible. Ma nature a horreur du vide dans mon garage :-)

- Si vous choisissez cette voiture c'est parce que vous n'avez pas assez d'argent pour en acheter une mieux; de tous temps, du moins sur un bon bout du XXeme siècle, Morgan a souhaité proposer la voiture de sport la plus abordable possible. Alors, à ce prix là, quelques surprises sont acceptables.

- sous la pluie, même si pendant les premières minutes vous aurez le glorieux sentiment de démentir ce que je suis en train d'essayer de vous faire comprendre, l'eau vous tombera sur les genoux ou sur les guêtres et vous ne trouverez ni comment vous en protéger ni par où l'eau peut bien passer, ruisselant parfois derrière le tableau de bord. Si vous n'aimez pas l'eau, achetez une autre voiture!

- la voiture se dandine du train arrière dans les courbes à bonne vitesse, et c'est très bien ainsi car c'est la seule voiture à ma connaissance qui sache le faire. Il est très facile d'y remédier en ajoutant une barre Panhard, des barres de poussée et des amortisseurs télescopiques, mais pourquoi diable se priver d'une sensation unique !!! achetez une Porsche si vous n'aimez pas ça !

- le nez de la voiture sautille en permanence: et alors ! certains propriétaires se ruinent dans l'achat d'amortisseurs de concours qui ne résovent pas le problème. Elle saute donc. Peter Morgan se sentait obligé de mettre des amortisseurs à l'avant pour éviter les critiques des acheteurs mais en fait, ils ne sont d'aucune aide et d'aucune utilité. Elle sautille à 1, 2 ou 3 hertz en fonction de sa charge et du poids de son moteur, avec ou sans amortisseurs.

- Le chassis est flexible, et pas seulement un peu. C'est pourquoi tous les assemblages doivent être libres sur au moins 1cm dans tous les axes. C'est grâce à cela que l'eau peut enter et que le nez peut sautiller. Evitez quand même les descentes de trottoirs quand une roue seulement reste dessus : la voiture craque comme un bateau pris dans les glaces de la banquise prêt à sombrer.

- Le cuir sent bon mais vieillit mal. Le skai ne sent rien mais dure longtemps.

- Les moteurs peuvent être poussés. Très bien, Vous allez gagner ce qui vous servira 20 secondes par jours au détriment de la souplesse qui fera votre confort et votre plaisir quotidien.

Au final, et c'est le plus important, en Morgan l'eau ne mouille pas, l'essence ne coute pas cher, la buée est indispensable et le temps ne compte pas,


PS: il y a peu, j'ai craqué pour une 2cv AZ de 1956, 425 cm3 de 12cv (moins que ma tondeuse autoportée !) vitesse maximum 75km/h. Le grand frisson ! Ce qui est frappant, c'est la complexité de la 2cv comparée à la Morgan. Lors de sa restauration complète, j'ai du reprendre le chassis qui tout nu fait déjà penser à un morceau du LEM (Lunar Exploration Module) pour ceux d'après 1969 !!
(suite 2016) la 2cv suscite autant de sympathie que la Morgan et j'héberge maintenant une belle épave de type A de 1953, chargée cette fois de 65km/h de promesse grâce aux 9cv de ses 375cm3.

Comme pour une Morgan, je ne lui mettrai ni un volant bois, ni des amortisseurs de compétition, ni des antibrouillards, ni une brochette de badges, ni un intérieur cuir, ni un tableau de bord bois, ni un filtre KN, ni un échappement sport, ni une grille de calandre inox, ni des moquettes profondes, ni un compteur à fond blanc et je ne gonflerai pas le moteur.
laissez les vivre !!
(continued 2013) the most important with Morgan cars is to understand a few simple things and respect the cars for what they are. Since this first restoration, I had the joy of gathering a small colorfull flock of six Morgans who dispute my garage with all the others ...
All these Morgans are different and yet all are a little similar.
(edit 2016)Royal Ivory, my proud tourer is now sold and an Innocenti Cooper took its place in the garage. I can't stand to see free place :-)

- PLEASE NOTICE THAT If you choose this car it is because you don't have enough cash to get a better one ; since ever or at least during most of the end of the twentieth century, Morgan wanted to be the least expensive sports car. The goal was not to seduce but rather to remain affordable. So, at this price tag, some surprises are acceptable.

- Under the rain, even if during the first few minutes you will have the glorious feeling of having contradicted what I am trying to make you understand, the water will fall on your lap and gaiters and you will neither find how to protect yourself (but being wet is it really that bad) nor find where from the water may get in.
If you do not like water, buy another car!

- The rear axles antique conception makes the car booty to waddles in curves at good speed, and that's fine because it's the only car to my knowledge that can still do it. It is very easily to remedied by adding a Panhard rod, anti tramp bars and telescopic shock absorbers, etc, but why deprive ourselves of a unique feeling !!! buy a Porsche if you don't like it!

- The car's nose is constantly bouncing: so what! some owners are ruining themselves in the purchase of contest yellow dampers that do not really solve "the problem". The nose bounces and then! Peter Morgan felt compelled to put front shock absorbers in order to avoid criticism from buyers but in fact, they are of no help and nearly useless. It bouncing at 1, 2 or 3 Hz, with or without shock absorbers depending of the weigth of its engine.

- The chassis is flexible, and not just a little. Therefore door assemblies shall be free at least 1cm in all axes. This is one of the reasons that allows water to enter and helps the nose to bounce. Avoid sidewalks descents when only one wheel stays on top: car creaks like a ship caugth in the polar ice in the darkest nigth..

- The leather feels good but is aging badly. Skai feels nothing but lasts long.

- The engine can be tunned.Cool.... Okay, you will get that serves less than 10 seconds per day at the expense of flexibility that will make your comfort and everyday pleasure.

In the end, and this is the MOST IMPORTANT, in a Morgan, water does not wet, gasoline is cheap, mist is essential and time does not count,



PS: Eventually I could not resist restoring a 1956 2CV 425 cm3 12HP (less than my lawn mower): maximum speed 75km/h. Pure thrills! The most impressive is the complexity of the 2CV compared to the Morgan. The naked chassis looks like a part of the LEM (Lunar Exploration Module) for those after 1969 !!

On this last car like on the others, I will neither put a wooden steering wheel nor get premium shock absorbers nor fit fog lights or badges, nor install a Connoly interior or a wooden dashboard nor a KN filter, nor get a race stainless steel exhaust, nor add a radiator grille, nor deap whool carpets nor white background speedometer and I will not TUUUUnnnnnEEE its engine.
As with Morgans: let Them live !!






THE LITTLE BIG ADVENTURE

Rouler en Morgan était un vieux rêve. En février 2006, j'ai craqué pour ce fabuleux tas de rouille de 4/4, 4 seater de 1973, remisée depuis 20 ans au fin fond de la campagne anglaise sous un hangar qui ne l'abritait qu'en partie.
Pourquoi une épave ? Simplement parce que les Morgans d'un certain age sont connues pour réserver quelques surprises:
Elles n'étaient peintes qu'une fois assemblées. Toutes les parties d'assemblage ne recevaient aucun traitement et rouillaient pour se transformer en crêpe dentelle. Sur ce point, je n'ai pas été déçu. Alors, quitte à tout défaire autant que tout soit déjà à refaire. Par habitude ou par déformation d'esprit, j'aime bien comprendre les choses dans le détail et de A à Z.

Location d'un camion plateau, et me voila parti pour 1800km de balade. A l'arrivée, la voiture est bien là, sur ses pneus dégonflés, légèrement penchée à gauche sous une robe noire d'un mat qui ne laisse aucune illusion sur la force et la durée des intempéries subies mais dès l'averse suivante tout se met à briller à nouveau : c'est la magie des climats pluvieux.
Premier contact avec le vendeur qui me dit que le chassis est encore bon mais "fin", un concept très britanique que je comprendai rapidement. Par chance, il avait acheté un chassis et deux quater panels en alu neufs dans l'idée d'une restauration et le lot est à emporter. L'auto, qui vient de passer la semaine sous la pluie sans capote, offre un contact plutot spongieux et semble peser 2 tonnes. Tous mes efforts pour verifier que les pistons bougent encore sont vains : tout est bloqué. La calandre et tous les chromes arborent une couleur gris mat persillée de vert de gris mais l'auto est complète, c'est déja ça. Le chassis neuf (mais déjà bien rouillé quand même!) est glissé entre les roues, emportez c'est payé.
Au retour, je ne résiste pas au plaisir de descendre les Champs Elysées pour lui montrer ce que dans 1 an j'espère elle remontera fièrement. Je fais un tabac auprès des badeaux agares qui me font de grands signes en sortant de boite de nuit. C'est sympa la Morgan, même sur plateau.


Arrivée à 5h du matin, débarquement sous la pluie française, un bon café et déjà cette envie de démonter me gagne. Je découvre avec effroi que la moindre vis sur une telle auto n'est qu'un souvenir. Tout est grippé, rouillé, soudé par l'oxydation.
A cette époque, la visserie était simplement huilée, peut être à l'huile de colsa comme les clous que nos charpentiers tiennent dans la bouche et rouillait avant même la sortie de l'atelier. Quand on demandait à Peter Morgan pourquoi il ne montait pas des vis "au moins traitées" il répondait en substance: "but the car will cost more" mais la voiture va couter plus cher !

Toutes les vis sont aspergées de Transyl. Et pourtant elle n'a pas l'air si horrible vue de loin! première surprise, le radiateur est percé . Il sera refait juste avant la fermeture définitive de l'atelier de réparation du coin: ça devient rare !!.


En y regardant de près, je découvre que la belle a déjà subi une restauration dans le plus pure style "choucroute à toute heure". Toute la carrosserie acier et les ailes arrières sont allègrement mastiquées et les trous, où l'on pourrait passer la main, sont bouchés grossièrement par des plaques d'acier brasées par petits points et mastiquées allègrement!! Par chance, les ailes avant sont correctes sous les 12mm de mastic de l'usine par endroit nécessaires pour leur galbe parfait. C'est l'art de la sculpture.

Le démontage des ailes avant est un cauchemar et les têtes de vis doivent finalement être meulées.

Toute la visserie est aux cotes anglaises et mes pauvres outils métriques abiment plus qu'ils ne désserrent. Ce n'est pas grave, de toutes façons tout sera remonté en inox métrique.
Le hobby hivernal préféré des propriétaires de Morgan était d'acheter "à prix d'or" des "kits de visserie" pour telle ou telle partie de la voiture, sous la forme de petits sachets de vis inox métriques échappées du continent.

Le jeu du pont est vérifié dès que les carters sont démontés. Ouf, 17mm de rotation libre mesurés sur la couronne, ça parait énorme mais c'est la norme.
Mieux vaut ne pas avoir de problème avec le pont, c'est une des pièces les plus obscures des Morgans et assurément la plus chère et le plus rare. L'usine a utilisé toutes les pièces, jusqu'à la dernière, pour la production des voitures. Il n'y a pas de stock de pièces de rechange et aucune équivalence car ce pont était fabriqué spécialement pour les Morgans. Heureusement, il est très solide, du moins, tant qu'il baigne dans l'huile...

La dérivation de l'entrée d'air n'est plus qu'un souvenir.

Avant de retirer le bloc, les bougies sont retirées et moulte Transyl est envoyé dans les pistons 4 jours de suite. Le cinquième jour, le moteur daigne faire un vingtième de tour. Après quelques tours à la main je branche une batterie neuve et feu. Le moteur est libre, mais cela ne servira pas à grand chose, son démontage montrera que le bloc est bien usé.
Les caches d'amortisseurs AR tombent en poudre.

L'expression "le chassis est fin" prend un sens concret quand il est mis a nu. La rouille tombe par plaques !!

Je tire sur la caisse pour la séparer du chassis et je glisse des cales en bois.

Petit à petit la caisse s'élève et laisse entrevoir encore plus de dégats à chaque centimètre.

Les cotés du bloc avant, le bulkhead, sont de fines dentelles. Il faut couper et re-souder des plaques en acier neuf. Idem pour les pattes de la carrosserie qui se prolongent sous les portes.

N'ayant pas de place dans mon petit garage, je fais reposer la caisse 80cm au dessus du chassis sur des barres en fer transversales (d'anciens montants d'armoire Stark, merci Philippe) posées sur des meubles bas de chaque coté.



Dans l'habitacle débarrassé des sièges et des garnitures, la rouilles est enlevée par poignées, par kilos. Il est "alarmingly" fin



Le chassis est poussé chez mon voisin, spécialiste en 2cv, où le moteur et la boite sont déposés dans l'attente d'un démontage complet. Un jour il faudra bien que je craque pour une 2cv ...



Il reste à déssolidariser le train avant et les ressorts du pont.

Enfin on va pouvoir passer à la reconstruction. Toutes les petites pièces en métal sont mises à nu à la ponceuse et repeintes immédiatement en noir. C'est très agréable de pouvoir rénover complètement ne serait ce qu'une seule pièce quand on a peu de temps.

Diverses pièces sont envoyées chez le sableur qui les peindra à l'epoxy cuit au four.



Je me charge du chassis neuf, brossage ponçage et peinture, excusez mon snobisme, mais j'ai préféré le noir pour l'extérieur et l'argent pour l'intérieur. Puis, il faut le percer pour y remonter tous les éléments.

Un chassis de Morgan c'est une simple tole verticale pliée en bas vers l'intérieur pour faire reposer les planchers en contre-plaqué et en haut vers l'extérieur pour visser la caisse. Une personne seule peut le porter.

Ici un des amortisseurs arrières d'origine. L'autre était détruit et bloqué. C'est une pièce assez rare mais on en trouve. Pour garder l'esprit d'origine j'ai préféré ne pas mettre d'amortisseurs téléscopiques modernes; il faut ajouter une grosse et lourde traverse pour les fixer en haut. Au final, le confort est très bon même avec de telles antiquités.

D'une façon générale, le confort d'une Morgan est excellent et permet de long trajets, il y a bien pire. En comparaison des Triumph TR3 à TR6, Austin Healey, Jaguar XK120 à XKE etc la Morgan 1600 crossflow dite "competition" est juste compfortable, spacieuse, vive, agile, légère, précise, frugale, économique, simple.
Vous constaterez vous même que toutes les autres autos font elles aussi le plein de qualificatifs ...mais des contraires : tape-cul, étroite, "camionesque", mole, lourde, imprécise, gloutonne, chère et complexe.

En vérité, la Morgan se situe exactement entre la Lotus Seven et tous les autres cabriolets anglais. Après, ce que gagne la Lotus Seven sur la Morgan se paie cash en confort et en espace.


Le bloc avant, le crosshead, est transfiguré par un ponçage complet et une peinture en trois couches.

Pour le montage du nouveau chassis, il faut se concentrer et rester calme, vérifier, mesurer 100 fois, dans tous les sens. Soudain, à l'évidence, horreur, il est 1cm trop large. Coup de téléphone à Terry, le spécialiste anglais des chassis de Morgan qui me rassure : "le centimètre c'est la tolérance, pas de problème, il suffira de forcer et d'ajuster". Le centimètre oui mais pour autant tout se joue à quelques millimètres par endroits. Le réservoir d'essence revient percé de chez le sableur. Il est complètement rouillé à l'intérieur. J'en fait faire un neuf chez un formeur anglais et, à 5mm près, il ne s'adapte pas. Il faudra modifier les fixations.
La jauge est aussi toute rouillée. Il faut la restaurer avec soin, pour ces voitures d'avant les années 80, elle n'est plus disponible. De toutes façons l'indication au tableau de bord reste très personnelle, chaque Morgan a sa façon poétique de décrire un réservoir à moitié vide ou à moité plein !

Les planches qui supportent le réservoir sont grattées puis saturées de Rustol pour les rendre imputrécibles. On dirait du bois de palettes ! Ce sont de simples avivés, qui plus est non traités, c'est à dire du bois juste "déchiré" par la scie et non rabotté. Sans le rabottage, qui "ouvre" les cellules en surface du bois, la tenue aux intemptérie est bien meilleure. Pour preuve, ce sont les bois les plus exposés aux projections et les moins abimés de l'auto.

A coté l'ancien chassis totalement dénudé.


Quelques soudures sont encore nécessaires pour fixer le support de roue de secour et le support de boite récupérés sur l'ancien chassis.

Et voila le travail; un chassis roulant tout neuf et un passage de boite sablé,peint et cuit au four.

Maintenant il faut débarrasser la caisse de toute la peau en acier qui est clouée. Les clous rouillés dans le bois sont pénibles à enlever : j'y passe un temps fou.

Il faut tirer chaque clou sans abimer le bois. Tous les outils sont utiles mais aucun n'est la panacée.

Après cela, tous les trous du bois sont rebouchés avec des allumettes.
Par coquetterie, les croisillons arrière est décapé et vitrifié au naturel plutot que repeint en noir. La Morgan est une "woody" après tout, pourquoi le cacher? La tole arrière est sablée et repeinte en noir.

Les boiseries sont bien touchées, pourries par l'humidité, surtout les deux "plaques" (rabottées...) qui lient la caisses au chassis de chaque coté sous les portes : les "sillboards".

Par chance, mon voisin menuisier vient de faire renter un lot de frène et dégauchit de quoi me refaire des sillboards. Il aurait fallut attendre un ou deux mois pour en avoir si je les avais commandés. Cela dit, j'ai commandé, entre autres, la pièce qui va sous la porte dont la forme est complexe en 3 axes.


A propos des pièces neuves : Si vous avez le choix, restaurez les vieilles pièces parce que les pièces "neuves" ne s'adaptent pas bien en général. C'est le cas des deux coins arrières en alu, déja formés, qu'il faut remettre à plat par pour qu'ils daignent épouser la forme du bois. Idem pour les ailes arrières neuves, trop larges qu'il faut recouper.

Ci-dessous, un exercice de style à base d'ailes de Morgan !

Coté moteur, le démontage permet de découvrir que le volant moteur a été "usiné" par le disque d'embrayage complètement cuit. ... C'est certainement la cause de l'arret de la voiture il y a 20 ans. Les quatre cylindres ont une belle forme en champignon de sorte que les pistons flottent latéralement sur 1,5mm quand ils arrivent en tête. Alors plutot que de refaire ce moteur, je fais venir un bloc embiélé complet de chez mon motoriste anglais Newark Engines (qui hélas a fermé depuis) ainsi qu'une culasse. L'ancien moteur, strictement d'origine, est aujourd'hui à la peine dans une Lotus de la coupe Super Seven. Le pire de la mécanique aura été de retrouver en neuf l'embrayage Borg Beck et surtout le bon support de butée en métal de Ford 1300 et un usinage maison pour permettre l'assemblage avec la butée de Cortina 1500 : un vrai mic mac avec en souvenir une demie douzaine de butées qui ne conviennent pas.
(EDIT) A l'époque, je ne connaisais pas BURTON POWER, le spécialiste des moteurs Ford. Il dispose de toutes les pièces pour refaire un Crossflow dont certaines assez rares comme le couvre thermostat. Le leur est usiné dans la masse; une vraie beauté.

Les montages "à blanc" sont légion, il faut déposer la carrosserie, percer les fixations, mesurer encore, remonter, démonter, etc.
Il y a deux mesures bien spécifiques à la Morgan qu'il faut impérativement respecter si l'on veut remonter les éléments de carrosserie correctement.
J'ai promis de ne pas divulguer ce secret, désolé !
On reconnait de très loin (!) une auto restaurée par quelqu'un qui ne connait pas ce secret !


Le bas de la porte droite présentait de belles bulles. En démontant il était évident que tout était pourri. J'ai reformé la peau de la porte en alu en 0,8 et ce n'est pas très facile de retrouver son galbe.Idem pour les parties de caisses juste devant les roues arrière qui elles sont planes. On voit ci dessous un bloc de renfort qui n'est pas d'origine placé juste devant le passage de roue arrière. Quelques améliorations ne nuisent pas.



Le bulkhead (pare-feu en français) est mis a blanc et repeint.

Ajouter du Rustol à la peinture permet une tention parfaite même à la brosse. La boite à air et la boite à outil sont peintes avant d'être remontées. Le moteur d'essui glace est entièrement démonté testé graissé avant remontage : une des rares pièces mécanique réutilisée. Le circuit de graissage des suspensions avec l'huile moteur est concervé même si ce n'est pas une très bonne idée. La vanne d'huile est laissée brute couleur laiton.

Les planchers sont refaits en CTP de 9mm ordinaire passé au vitrificateur à parquet. On pourrait imaginer faire plus résistant aux intempéries avec des panneaux composites mais je préfère rester dans le "bio-dégradable", plus dans l'esprit d'origine. De toutes façons, les planchers se dégradent bien moins vite que l'acier du chassis !
Là aussi il y a un petit secret : ne jamais jointoyer les planchers au chassis. Il faut juste les visser comme ça à cru, acier sur bois. Les petits interstices certes permettrons à l'eau de rentrer mais ils permettrons surtout une bonne ventilation pour tout faire sécher très vite. Sans ce petit détail, le chassis rouillera trois fois plus vite.
Notez bien que sur la photo ci-dessous on voit que je me suis trompé pour faire les encoches d'accès au graissage du croisillon avant de l'arbre de transmission. Les deux encoches auraient du être à l'avant du plancher, juste à la sortie de la boite et non au pieds des ceintures de sécutité, en plein milieu de l'arbre. Quand on dit qu'il faut tout monter à blanc avant de faire des bétises !!

La reconstruction du moteur est un vrai plaisir, comme un mécano. Il suffit de lire la revue technique de la Ford Capri. Il est posé sur le chassis et là encore, il faut tout mesurer avant de percer les fixations des supports moteur au bon endroit, un peu de travers mais pas trop!



Les ailes avant sont mises à blanc à la ponceuse. C'est très beau en gris métal.

On voit ici un des panneaux latéraux en alu, formés sur la structure en bois petit à petit puis cloués: quelques heures de travail.

L'intérieur est quand même nettement plus propre sans rouille !

Le filtre à air d'origine est repeint mais il sera remplacé pas un Speedograph tout neuf en inox pour 12 livres.

Enfin, l'ensemble est tracté chez le carrossier qui me prète gentiment un emplacement pour faire le remontage après la peinture. Dernières retouches à la forme des ailes, soudure des pattes reformées sous les portes puis mise en aprêt et peinture.

La caisse est désormais en alu même si la partie avant est en acier. C'est toujours comme cela car seul l'acier offre une résistance suffisante pour fixer le pare brise.

C'est fou comme la surface à peindre hors accessoires est petite. Au premier plan, une des roues sablée et repeinte. Les pneux sont des Firestone F560 à la dimension d'époque. C'est un choix plutot rustique et la tenue de route est assez basique: soit vous êtes encore dans le bon sens, soit vous avez fait un tête à queue ... Mais bon à ce prix là ..

Les Michelin sont chers dans cette dimension faisant partie de leur "collection historique" et j'ai trouvé les excellents Vrederstein T-track fabriqués en Hollande que j'utilise maintenant.
Pour ma Morgan +8 en revanche, j'ai choisi des Michelins (Eco saver je ne sais quoi), juste sublimes.


Au fond, on voit les ailes avant en aprêt.

Le remontage complet est effectué en trois jours seulement. Quand toutes les pièces sont là, que tout est prêt, remonter la voiture c'est comme faire un maquette. Encore faut-il TOUT connaitre par coeur... c'est l'avantage d'avoir tout démonté soi même. Toutes les connections électriques sont refaites avec des cosses neuves.
 

En fouinant sur le net, j'ai récupéré des charnières de pare brise. Après essais, inutile d'espérer dépasser les 30km/h sans lunettes et 60km/h avec des lunettes de soleil, c'est l'enfer sans pare brise. Je pense, après cette expérience, que le pare brise est la véritable invention qui a permi le développement de l'automobile... Ces charnières ne servent qu'a faire joli sur le parking !
Et attention, rien n'est pire que de laisser le pare brise à plat: si quelqu'un s'appuit dessus ou pose un objet un peu vivement, il est cassé !


Les fixations du pare brise à la carrosserie, nickelées à l'origine sont peintes comme elles le seront 20 ans plus tard de série.

Les sièges ne sont pas d'origine. Ils avaient été changés pour des modèles des années 80 lors de la première restauration. Les anciens sièges, rembourés avec du chanvre et fournis avec l'auto, bien qu'originaux, laissaient présager d'un confort un peu trop rude.

Le controle technique s'est bien passé. Obtenir une carte grise normale semblait tout a fait impossible pour une auto dont chaque exemplaire importé en France faisait l'objet d'une réception à titre isolé aux mines. Elle a donc une CG collection.


Voila, si vous trouvez que c'est simple, que c'est rapide, que ce n'est pas cher, détrompez vous. Certaines étapes ont duré des semaines,
certainespièces sont chères ou restent introuvables pendant des mois et
la liste des pièces neuves ou refaites ou restaurées est vraiment très longue.
Si vous vous lancez dans une restauration, n'espérez jamais que certaines pièces mécaniques soient encore en bon état et
achetez les en neuf quand vous les trouvez, cela vous évitera bien des retards.

Pour les choses que vous ne savez pas faire, ne vous reposez jamais sur quelqu'un qui viendra faire le travail pour vous quand il aura le temps: il ne l'aura jamais.

Apprenez à le faire vous même, vous gagnerez un temps fou !

Le parechoc arrière n'était pas récupérable et n'a pas été remonté. A l'époque, c'etait une option. La capote avait perdu toute sa bande centrale et sa lunette dans une bourasque pendant son transport de retour. Les "vitres" latérales étaient jaunes et cassantes. Avec une bonne vieille machine à coudre Brother et un bon fil en polyester, j'ai pu la sauver. Les skais sous les fenêtres amovibles sont faciles à refaire aussi. Il reste à poser les skais intérieurs, coudre un couvre tonneau, refaire le tableau de bord.

Mais pour l'instant, je roule dès qu'il fait beau. La fin de l'été m'a permi de faire 1500km avec seulement une surprise : une fuite en sortie de boite : j'avais oublié de changer le joint Spi sur l'arbre. Résultat, des heures de démontage comprenant les sièges, le tube de poussée et son carter.

Après ce rodage, il faut démonter la rampe de culbuteurs pour refaire le serrage de la culasse au couple recommandé. Quand on aime, on ne compte pas son temps ! 16 mois de travail à raison de 6 à 10 heures par semaine...

Améliorations en prévision :

Ajout d'un vase d'expansion sur le circuit d'eau : (EDIT) fait et défait: cela n'a strictement aucun intérêt.

Ajout d'une alarme d'allumage des phares ou des codes à l'arret pour éviter de vider la batterie. En effet, en couleur sombre l'auto n'est pas très visible sur la route et par sécurité je roule codes allumés ... et j'oublie de les éteindre à l'arret.

Montage de ceintures à enrouleur à l'avant : (EDIT) fait mais inutile. Les ceintures ordinaires sont très faciles à ajuster et ne tirent pas l'épaule en arrière vers bas !! elles !!

Ajout de poches élastiques dans les portes et de poches au dos de la roue de secours.

Ajout d'un coupe circuit : (EDIT) ou remplacement d'une cosse de batterie par un modèle déverouillable (chez Carrefour)

Ajout d'un second klaxon plus puissant pour la route avec son propre poussoir : (EDIT)en fait il faut mettre un klaxon puissant en standard et pour la ville il suffit de crier "Poueeette"

Plaquer le tableau de bord en ronce de noyer : (EDIT) Tous les menuisiers et ébénistes du coin ont fait de grands "houuuulaaa" quand je leur ai proposé de le faire. Alors je l'ai fait moi même, c'est simple et trés joli: no problem.


pièces neuves :
chassis, planchers, porte droite, toles arrières et toles latérales tout alu, 2 ailes arrières en acier, réservoir d'essence acier, bouchon à clé, nourrice d'essence,
bois : 2 sillboard, 2 supports de charnières, 1 pièce sous porte, support arrière complet,
bloc moteur refait à 1650cc, pistons et bielles équilibrés, segments et coussinets neufs, villebrequin usiné équilibré, culasse refaite, sièges, guides, ressorts et soupapes neufs, joints plats et spi neufs, thermostat et sortie d'eau neufs, radiateur et carburateur reconstruits, cache culbuteurs alu et filtre à air chromé Speedograph neufs, volant moteur surfacé, couronne neuve, demarreur, pompe à essence, pompe à huile, pompe à eau, courroie, chaine et tendeur neufs, carters AV et AR neufs, mécanisme d'embrayage, disque, butée et support de butée neufs, silent blocs moteur, bougies, fils de bougies, maitre cylindre refait, plaquettes, pistons d'étrier AV, joints, pistons et garnitures AR neufs, amortisseurs AR refaits, jauge d'essence et klaxon reconstruits, boite à fusible neuve, pompe lave glace neuve, 2 phares complets neufs, réfection de tous les commutateurs du tableau, batterie, cosses du faisceau neuves, parebrise neuf, boitier de direction refait, essuie glace, 8 manettes de fixation des vitres latérales et 4 verrous de capot complets neufs, 2 rétroviseurs extérieurs, 5 pneus Firestone F560 et 5 enjoliveurs chromés neufs, jantes sablées et repeintes, 6Kg de vis inox de toutes les tailles, 500g d'accessoires pour fixer la capote neufs, 2 protections latérales des ailes neuves, capote refaite et plexi changés. Calandre et badge de capot neufs.

Le badge chromé "Morgan" en italique à l'arrière est acheté aussi car il était en option et  n'avait pas été demandé par le premier acheteur. Ah les Morgans, c'est vraiment un autre monde !

Jean Christophe
membre d' O.M.A. Old Morgan Addicts Forum
l'anti club Morganiste